Réclamons la disparition de la CIRH
Pour n’avoir pas tenu leurs promesses un an après la première conférence organisée à New York, les amis d’Haïti sont invités à supprimer de leur plan la CIRH créée pour la reconstruction du pays. Une quarantaine d’organisations dont la POHDH, la PAPDA et le GARR sont montées au créneau pour dénoncer le piétinement de cette structure
Haïti, 1er Avril 2011: « A travers la CIRH, se pratique une double exclusion : celle des institutions étatiques et celle du mouvement social. » C’est le constat dressé par une quarantaine d’organisations qui réclament la disparition de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH). Dans une prise de position collective publiée ce vendredi, ces organisations, dont quelques unes oeuvrant dans le secteur des droits humains, estiment qu’après une année de promesses de reconstruction, à coup de milliards de dollars américains, « rien de significatif n’a été véritablement entrepris ». « Nous réaffirmons que la construction alternative de notre pays et la viabilité d’un avenir différent de celui d’aujourd’hui impliquent un processus de ruptures radicales d’avec les tendances actuelles », affirme la note.
Les organisations reprochent à la CIRH son manque de résultats après une année d’opération et de n’avoir amorcé aucune rupture avec les approches et les pratiques traditionnelles. « Bien au contraire, nous assistons à une accélération de tous les phénomènes témoignant du déclin collectif et de la régression », dénoncent-elles, tout en soulignant que ces approches ont, au fil des ans, appauvri et rendu vulnérables les populations.
« Les analyses et témoignages nous ont conduits au constat que collectivement la société haïtienne continue à être enfermée dans les mêmes pièges de l’exclusion, de la dépendance, de la méconnaissance de nos forces, de nos ressources, de notre identité, comme souligné dans notre déclaration rendue publique le 19 mars 2010. Les structures du système de domination et de dépendance se sont reproduites et renforcées avec la mise en place d’un dispositif stratégique réunissant la MINUSTAH, la CIRH et les grandes ONG internationales », note ce collectif d’organisations, qui réunissent, entre autres, la Plateforme de plaidoyer pour un développement alternatif (PAPDA), la Plateforme des organisations haïtiennes des droits humains (POHDH), le Groupe d’appui aux réfugiés et rapatriés (GARR), Tèt kole ti peyizan ayisyen, la Fondation zanmi timoun et SAJ-Veye yo.
La note fait état de témoignages bouleversants sur le processus de détérioration des conditions de vie dans le pays apportés par des personnes habitant les camps, des paysans pauvres, des femmes, des acteurs du monde de la communication, du secteur religieux, de la santé lors des discussions tenues le 26 mars dernier à Port-au-Prince. « Ils ont tous et toutes signalé l’absence de réponses de l’Etat aux problèmes sociaux les plus urgents, la précarité des conditions de vie particulièrement des personnes déplacées, les expulsions forcées et la tendance à la privatisation croissante des services de santé, d’éducation, d’approvisionnement en eau potable », rapporte la note.
Selon les cosignataires de cette note, ces forces qualifiées de dominantes ont complètement marginalisé l’extraordinaire élan de solidarité qui s’était manifesté entre les Haïtiens au lendemain du séisme.
« Nous réclamons la disparition de la CIRH dont l’existence constitue un affront à notre dignité collective, affirment ces organisations rejointes par plusieurs organisations paysannes. Les budgets relatifs aux projets spécifiques visant la réhabilitation et la mise en place de nouvelles infrastructures doivent être gérés par les organes compétents de l’Etat dans chacun des domaines concernés. Il faut mettre un terme à la création d’organismes parallèles qui accélèrent la destruction de l’Etat. Nous réclamons de préférence la mise en place de mécanismes nouveaux et efficaces de contrôle social assurant la participation des couches majoritaires du pays dans les prises de décisions et les orientations stratégiques. »
Les cosignataires de la note en profitent pour poser les problèmes récurrents auxquels fait face la nation. « Il est inadmissible qu’en ce début de 21e siècle, près de 50% de la population est analphabète, près de 700,000 enfants ne sont pas scolarisés et 630 femmes périssent pour 100,000 naissances vivantes », déclarent-elles, rejetant le modèle de croissance hyperconcentré, extraverti, anti-paysan et anti-national exprimé à travers le modèle de la sous-traitance internationale et celui de la surexploitation, la spéculation, les rentes et les monopoles.
Les organisations dénoncent les rapports Port-au-Prince/arrière pays hommes/femmes et l’absence de volonté de construire des services sociaux accessibles et universels. Elles plaident en faveur d’une rupture « avec la lecture coloniale du pays qui doit s’exprimer à travers l’abandon d’un certain discours qui véhicule un mépris absolu de notre culture et de notre trajectoire historique ».
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